12.8.09

Les mots les plus simples



«C'est d'abord une certaine hilarité, saugrenue, irrésistible, qui s'empare de vous. Ces accès de gaieté non motivée, dont vous êtes presque honteux, se reproduisent fréquemment, et coupent des intervalles de stupeur pendant lesquels vous cherchez en vain à vous recueillir. Les mots les plus simples, les idées les plus triviales prennent une physionomie bizarre et nouvelle; vous vous étonnez même de les avoir jusqu'à présent trouvés si simples. Des ressemblances et des rapprochements incongrus, impossibles à prévoir, des jeux de mots interminables, des ébauches de comique, jaillissent continuellement de votre cerveau. Le démon vous a envahi ; il est inutile de regimber contre cette hilarité, douloureuse comme un chatouillement. De temps en temps vous riez de vous-même, de votre niaiserie et de votre folie, et vos camarades, si vous en avez, rient également de votre état et du leur ; mais, comme ils sont sans malice, vous êtes sans rancune.»

«Primero, es una es cierta hilaridad ridícula, irresistible, que se apodera de vosotros. Estos accesos de alegría inmotivada de que estáis casi avergonzados, se reproducen con frecuencia y cortan intervalos de estupor durante los que tratáis en vano de recogeros. Las palabras más simples, las ideas más triviales adquieren una fisonomía extraña y nueva; os sorprendéis incluso de haberlas encontrado hasta ese momento tan simples. Semejanzas y comparaciones incongruentes, imposibles de prever, juegos de palabras interminables, inicios de comicidad, brotan continuamente de vuestro cerebro. El demonio os ha invadido: inútil enfrentarse a esta hilaridad dolorosa como un cosquilleo. De vez en cuando os reís de vosotros mismos, de vuestra necedad y de vuestra locura, y vuestros compañeros, si los tenéis, se ríen igualmente de vuestro estado y del suyo; pero como no hay malicia, no guardáis rencor.»

*Charles Baudelaire.
*Le Théâtre de Séraphin. Les Paradis artificiels. Charles Baudelaire, 1860.

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